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Raphaël Moreau, Gérant actions de Amiral Gestion

le 06/04/2017 11:49:00

Quel regard portez-vous à présent sur le niveau de valorisation des small caps ?

Nous considérons avant tout la valorisation du segment sous l'angle du ratio prix sur actif net qui permet d'évaluer comment les fonds propres sont appréciés par le marché. Ce ratio a la particularité de ne pas subir les à-coups du cycle économique sur la rentabilité des entreprises.
Il se situe présentement autour de 2,05x, équivalant à fin 2004, début 2005. En guise de comparaison, ce même ratio était à 1x fin 2008 et à 3x en septembre 2007.
Dans une optique de long terme, les small caps ne sont ni bon marché ni excessivement chères.

Comment expliquez-vous l'important appétit pour les small caps en ce début d'année ?

Cela est dû à plusieurs effets. Tout d'abord les bonnes performances des fonds, en particulier depuis 2013-2014. La performance de notre fonds dédié aux PME, par exemple, a été de plus de 20% par an depuis sa création en 2014, ce qui est un niveau supérieur à ce qu'on peut raisonnablement espérer à long terme. Par ailleurs le contexte de taux bas pousse les investisseurs à s'orienter vers les small caps dans des produits multi supports, notamment l'assurance vie. Il y a donc effectivement eu un effet de mode, d'où l'importance d'être prudent, mais sans pour autant amener les valorisations sur des niveaux surévalués.

D'aucuns mettent en garde contre un risque de consolidation sur le segment des small caps à court terme. Qu'en pensez-vous ?

La remontée des cours de bourse dans leur ensemble ayant été assez rapide, l'hypothèse d'une correction n'est pas à écarter. Un dégonflement serait source d'opportunités. Cela créerait des points d'entrée sur des sociétés appréciés, mais potentiellement un peu chères. Si cette respiration serait bienvenue, il est pour autant difficile d'avancer quand elle aura lieu et de quelle ampleur elle sera.

Vers quels types de sociétés devrait alors se faire ce recentrage ?

Il faudra s'intéresser aux sociétés qui évoluent dans des activités où existent de fortes barrières à l'entrée qui leur permettent de créer de la valeur à long terme. Nous privilégions en particulier celles qui ont démontré leur capacité à intégrer d'autres sociétés et à les redresser. Le coût de la dette est si faible que ces entreprises bénéficient d'un contexte particulièrement porteur.

D'aucuns avancent que le moteur des OPA devrait moins jouer cette année dans l'univers des small caps, notamment en raison de la remontée des taux à venir ?

Même s'ils remontent les taux vont probablement rester bas, ne serait-ce qu'en considération du niveau très élevé des dettes d'Etat. De manière paradoxale, nous ne cherchons pas spécialement des sociétés susceptibles d'être des cibles dans une optique de faire des coups boursiers. Souvent, nous préférons être du côté de l'acheteur qui est capable de créer de la valeur à travers un modèle d'acquisition performant. L'exemple récent de Bonduelle, dont le cours a pris 20% après l'annonce d'une acquisition aux Etats Unis, illustre bien cela. On peut également citer ID Logistics, qui a repris Logiters en Espagne l'an dernier.

Un raisonnement par secteur conduit à s'intéresser de près aux équipementiers automobiles et entreprises de services du numérique.

Ces deux secteurs ont véritablement tiré le segment des small caps.
Nous sommes entrés chez Amiral Gestion sur les équipementiers automobiles en 2013. A cette époque peu de monde s'intéressait à ce secteur. Sur plusieurs petites valeurs, les PER se situaient entre 2 et 4 !
Le positionnement paraissait très contrariant. Les équipementiers avaient vécu une dizaine d'années très compliquées et s'étaient retrouvés à bout de souffle. Cette tendance s'est progressivement inversée en 2009-2010 mais le marché a mis du temps à le reconnaître.
Après avoir été lourdement investis, nous avons beaucoup allégé nos positions. Certains d'entre eux nous paraissent désormais trop chers dans le cadre d'une industrie dont le cycle est déjà bien avancé. Nous sommes ainsi sortis de Montupet (avant l'OPA !) et de Le Belier. Nous avons encore du Burelle et du MGI Coutier dans des pondérations moindres. Ces sociétés restent faiblement valorisées en raisonnement de milieu de cycle.

Nous avons gardé une pondération relativement substantielle sur les ESN. Nous ne pensons pas qu'elles sont trop chères. Leur capacité à créer de la valeur demeure manifeste. Leur clientèle s'est fortement élargie ces dernières années, et leurs clients historiques, les banques, continuent d'augmenter leurs budgets dédiés à la digitalisation. Surtout, ce sont de plus en plus les départements marketing et commercial qui sont demandeurs des prestations, percevant l'informatique davantage comme une opportunité que comme un coût.
Nous sommes positionnés sur Devoteam, une belle histoire de redressement dont les marges se situent désormais dans le haut du panier. Dans le même registre, nous aimons bien Aubay qui a démontré sa capacité de redressement de sociétés moins rentables.


Vous ne pensez pas que le rallye a été trop prononcé sur ce segment d'activité ?

Nous pouvons bien sûr assister à des replis des cours de bourse. Cependant, la vague sur laquelle surfent ces sociétés est pérenne. Nous ne sommes pas dans une situation de bulle avec des projets non pertinents qui verraient le jour. Ces derniers sont mûris par les entreprises clientes qui les placent au coeur de leur stratégie de développement.

De manière à vous distinguer, vous avez le choix de vous orienter vers des zones géographiques et des secteurs quelque peu contrariants ?

Effectivement, nous nous sommes efforcés d'étendre le champ des possibles en investiguant ailleurs en Europe. C'est ainsi que le fonds est investi à hauteur de 60% en France et 40% dans le reste de l'Europe.
6,3% de nos actifs sont investis dans des sociétés grecques. Nous avons par exemple une position dans le franchisé d'Ikea, Fourlis. Le marché de l'ameublement a été fortement mis à mal en Grèce, divisé par 3 depuis le début de la crise, mais Fourlis a vu ses parts de marché passer de 13 à 23% sur la période. Si les marges ont naturellement reculé, le levier opérationnel est significatif, et sa rentabilité devrait logiquement rebondir avec la reprise ultime du marché.

Au niveau sectoriel, nous nous sommes intéressés à l'activité agricole après la chute des prix des céréales ces derniers trimestres. Nous avons ainsi une ligne en Exel Industries, le spécialiste des machines agricoles, qui devrait sortir renforcé de cette période difficile.

Vous êtes en quête de dossiers délaissés brutalement mais qui ont vocation à se redresser sur le long terme...

Nous sommes d'avis qu'il faut savoir se projeter plusieurs années en avant et laisser de côté les difficultés immédiates.

C'est pourquoi nous avons opté pour l'introduction dans notre portefeuille de la société GFT, une société allemande qui pratique le nearshoring en Espagne. En raison du Brexit, cette société a souffert de la dépréciation de la livre face à l'euro et d'une diminution des commandes des banques anglaises. La baisse de la croissance de ses résultats a provoqué une chute de son cours de bourse. Nous sommes cependant convaincus que l'entreprise est en mesure de se redresser à moyen terme. Dans un domaine connexe, nous nous sommes intéressés à la société allemande Edag, société de R&D externalisée équivalente à Alten ou Altran qui a été affectée par la réduction des investissements de son premier client Volkswagen.

Avez-vous un seuil en termes de valorisation au-delà duquel vous vous refusez d'aller ?

Nous consacrons notre énergie a comprendre la rentabilité normée des entreprises. Aussi, payer cher une valeur ne nous pose pas de problème si on est en bas de cycle et que la société ne gagne pas beaucoup d'argent en ce moment mais qu'elle est de qualité et susceptible de faire progresser nettement ses résultats à l'avenir. Est particulièrement au coeur de notre attention la génération de trésorerie.

Un dernier mot ?

En cas de crise, les investisseurs auront toujours une préférence pour la liquidité. Si demain il y a un stress sur le marché, les small caps souffriront plus que les large caps dans un premier temps. Il faut considérer ces périodes comme des points d'entrée ou de renforcement, plutôt que l'inverse. Le court terme est l'ennemi de l'investisseur alors qu'à long terme, la surperformance d'un bon stock picking est payante.
La meilleure manière d'opérer dans un contexte comme celui d'aujourd'hui où les valorisations sont plus tendues c'est d'investir dans des sociétés de qualité, à un prix raisonnable, capables de résister parce qu'elles créent de la valeur de manière structurelle. La création de valeur ayant vocation à compenser la baisse du multiple induite par un éventuel recul généralisé des marchés.

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