Accueil > Interview

interview

 

Philippe Brossard, Chef économiste de AG2R LA MONDIALE

le 30/11/2016 16:06:00

L'élection de Donald Trump à la Maison Blanche a provoqué une remontée des taux longs aux Etats-Unis et en Europe. Les "spreads" au sein de la zone euro se sont creusés, notamment entre l'Italie et l'Allemagne. Faut-il s'en inquiéter ? Jusqu'où les taux peuvent-ils remonter, à quel rythme et avec quelles conséquences sur les marchés selon vous ?

L'élection de Donald Trump n'a pas déclenché à elle seule la remontée des taux d'intérêt. Celle-ci s'inscrit dans un contexte de ré-accélération de l'économie américaine et de rebond du prix des matières premières. Il est vrai que le programme de Donald Trump est "reflationniste" avec un impact positif attendu sur la croissance et l'inflation en 2017. Mais nous pensons que la hausse des taux d'intérêt se fera en douceur. D'une part, parce que la Fed va maintenir une politique accommodante. Même si elle entend remonter ses taux directeurs vers 3% d'ici quelques années, elle maintiendra des taux réels (hors inflation) inférieurs à la croissance potentielle de l'économie. Elle reste donc dans un régime monétaire accommodant. D'autre part, parce que les marchés ne croient pas à une remontée rapide des taux d'intérêt. Aujourd'hui, le taux à 10 ans américain est de 2,3%. Autrement dit la 'prime de risque' sur les taux longs est négative. Cela n'empêche pas qu'il y ait de la volatilité sur le marché obligataire. La remontée des spreads (écart de taux) entre l'Allemagne et l'Italie ces derniers mois, en raison du risque politique dans la Péninsule, en est en exemple.

Quel impact la hausse des taux aura-t-elle sur les différentes classes d'actifs (actions, obligations, immobilier) ?

La hausse des taux d'intérêt a un impact négatif sur les rendements des actions et de l'immobilier. Cependant, corrigé de l'inflation, l'écart de rendement entre les obligations et les actions reste très favorable à ces dernières. J'ajoute qu'il y a aujourd'hui un potentiel de rattrapage des actions européennes sur les actions américaines. En effet les analystes prévoient une amélioration des bénéfices des entreprises européennes de 10 à 15% l'année prochaine alors qu'ils devraient plus ou moins stagner aux Etats-Unis. A supposer que la valorisation des actions européennes reste la même qu'aujourd'hui, autour de 16 fois les bénéfices attendus, cela implique une hausse du CAC 40 d'environ 20% au cours des douze prochains mois pour atteindre 5300 points fin 2017. Je pense que ce rattrapage peut avoir lieu, avec notamment un rebond des valeurs bancaires (fortement pénalisées par la baisse des taux d'intérêt ces dernières années) mais aussi du secteur des matières premières sur fond de rééquilibrage du marché pétrolier.

Après une année chaotique pour les marchés boursiers, les astres seraient-ils à nouveau alignés ?

Je dirais que les fondamentaux économiques plaident en faveur d'une hausse des marchés actions européens en 2017. Reste le risque politique. Si les marchés ont plutôt bien digéré le Brexit, le referendum du 4 décembre en Italie est considéré comme un nouveau test pour l'Europe. En effet, si la réforme constitutionnelle est rejetée, cela pourrait pousser Matteo Renzi à la démission et à la convocation de nouvelles élections générales. Le Mouvement 5 Etoiles, parti populiste et eurosceptique, pourrait alors emporter une majorité de sièges à la chambre des députés, et convoquer un nouveau referendum, cette fois sur l'appartenance du pays à la zone euro. Les élections du printemps prochain en France et en Allemagne sont d'autres sources d'incertitude et d'instabilité potentielles.

Que va faire la Banque centrale européenne dans ce contexte ?

Au cours des derniers mois la BCE a laissé entendre qu'elle pourrait réduire son programme d'achats d'actifs à compter du mois de mars 2017. Mais la remontée des taux souverains italiens plaide au contraire pour le maintien d'une forte dose d'assouplissement quantitatif. La réunion du 8 décembre est très attendue par les marchés. C'est là que la BCE dira si elle prolonge ou non son programme de QE - nous tablons sur une prolongation jusqu'à la fin 2017. Elle pourrait aussi reporter sa décision au mois de janvier afin d'observer l'évolution des taux sur le marché obligataire.

L'OCDE a légèrement relevé ses prévisions de croissance de l'économie mondiale l'année prochaine, tablant notamment sur un rebond de l'économie américaine. Qu'en pensez-vous ?

Nous partageons cette analyse. L'économie américaine a rebondi au troisième trimestre (+2,9%) et devrait entamer l'année 2017 avec un solide acquis de croissance. La zone euro poursuit sa reprise à un rythme plus lent mais de manière assez homogène. Dans les pays émergents, le Brésil et la Russie sont en train de sortir de la récession tandis que la Chine poursuit son atterrissage en douceur, avec un taux de croissance attendu autour de 6,6% cette année et 6,5% en 2017. Seul, le Royaume-Uni, après avoir bien résisté aux premiers effets du Brexit, devrait subir un net ralentissement de sa croissance l'année prochaine. Au global nous attendons un raffermissement de la croissance mondiale, qui passerait d'environ 2,1% cette année à 3%.


N'êtes-vous pas un peu optimiste, sachant que le cycle de croissance est l'un des plus longs jamais observés aux Etats-Unis (8 ans) et que la Fed s'apprête à resserrer le robinet du crédit ?

Je suis assez dubitatif sur la théorie des cycles économiques. La durée de chaque cycle n'est pas une loi immuable. Par ailleurs aucun cycle ne se ressemble. Nous avons vécu l'une des pires crises financières de l'histoire en 2008-2009, beaucoup plus profonde que celle de 2000-2001. La prochaine crise sera sans doute plus éloignée et moins violente. L'économie américaine peut ralentir, comme on l'a vu en début d'année, sans forcément tomber en récession. Si l'on regarde le marché du travail, il s'est nettement amélioré depuis 2011. La Fed considère que l'économie est proche du plein-emploi. Mais le taux d'emploi, mesuré comme le nombre d'employés dans la population de 15 à 65 ans, est encore inférieur à son niveau d'avant-crise. Aussi je ne pense pas que l'économie américaine soit en "haut de cycle" : il y a encore du potentiel de croissance inemployé. C'est encore plus vrai de l'Europe, où la reprise a démarré avec quatre ans de retard sur les Etats-Unis.

Copyright © 2006 http://www.easybourse.com

bio

 
 
 
 
 
 

la phrase du jour

Déclaration de Jim Reid, stratège chez Deutsche Bank
"La grande question qui se pose désormais est de savoir si la Fed va lui emboîter le pas en procédant à une nouvelle hausse mercredi prochain ou si elle va laisser ses taux inchangés"

vos questions a

Posez vos questions à l'une des personnes interviewées dans notre liste.

Vos questions à l'adresse suivante : contact@cerclefinance.com vosquestions@cerclefinance.com
Qui sommes-nous ? | Nous contacter | FAQ | Mentions légales | RSS | © Copyright 2007 Cercle Finance. Tous droits réservés.