Wall Street: fin de semaine en forme de paradoxes insolubles
(CercleFinance.com) - Wall Street était bien ancré dans le rouge lorsque les places européennes ont terminé la séance de vendredi (-0,5 à -0,8% de repli pour le Dow Jones, le S&P500 et le Nasdaq).
Et une fois que les opérateurs européens ont éteint leurs écrans, à partir de 18H30, deux membres de la Fed ont ressuscité l'ardeur des acheteurs en tenant des propos aussitôt jugés encourageants, et qui ont fait oublier sur le champ les piètres statistiques concernant le moral des ménages.
Susan Collins, la présidente de la Fed de Boston, a estimé que "les marchés fonctionnaient bien" (et en effet, il y a toujours eu de la contrepartie même dans les moments les plus tendus) et John Williams, celui de la Fed de New York, a déclaré : "l'économie américaine n'entre pas dans une période de forte inflation, ni de faible croissance"... mais il ajoutait que la Fed prendrait des mesures pour éviter la "stagflation" (ce qu'elle a toujours fait, et ce qui est sa principale mission).
Alors Wall Street est repassé de -1% vers 17H25 à +2% vers 20H00, avant de consolider latéralement durant deux heures.
Les indices US n'ont pas fini au plus haut du jour, mais pas très loin quand même avec un S&P500 à +1,8%, un Nasdaq-100 à +1,9% et un Dow Jones à près de +1,6% (tout comme le Russell-2000). Le "Dow" a été dopé par les +4,5% de JP Morgan après la publication de ses (très bons) trimestriels... mais les prochains trimestres ne se présentent pas aussi bien.
Sur la semaine écoulée, le "Dow" engrange +5%, le "S&P" +5,7% et le Nasdaq +7,3% (sa meilleure semaine depuis novembre 2022, dans le sillage de Broadcom +24,4% et Palantir +19,5%).
Mais il y a bien plus extraordinaire que ces scores algébriques étourdissants (+12,2% pour le Nasdaq mercredi, du jamais vu depuis 2001), ou qu'un "VIX" prenant jusqu'à +60% en intraday jeudi soir : c'est la première fois de l'histoire que les indices boursiers américains grimpent de +6% en moyenne alors que les taux se tendent fortement. Mais il ne s'agit pas que d'une "forte tension" (+50 points de base c'est en effet énorme), puisque c'est la plus forte en une semaine depuis... 1981!
Et pour le dollar qui chute de -5% face à l'euro et de -6% face au franc suisse (toujours en une semaine)... c'est la pire depuis octobre 1998. Pour le pétrole, c'est en revanche une semaine pour rien, mais le "WTI" affichait jusqu'à -6% mercredi, et le support des 65$ a été pulvérisé.
Des taux qui explosent à la hausse (le "10 ans" a affiché jusqu'à 4,59% vers 16H00, le "30 ans" a frôlé les 5,00%), un dollar qui dévisse dans des proportions historiques, un pétrole dont l'effondrement de -30% depuis le 15 janvier (entre 84$ et 58,5$ le 9 avril) annonce une récession... mais des actions qui prennent 6% alors que tous les paramètres (taux et dollar) sont infiniment pires que la semaine précédente, voilà qui défie toute logique et qui n'a aucun précédent connu en 140 ans d'existence de Wall Street.
En ce qui concerne les "chiffres" ? Ils sont devenus le cadet des soucis des investisseurs : l'inflation (CPI) plutôt rassurante publiée la veille... ignorée; les ménages qui dépriment... ignorés.
Les investisseurs sont obnubilés par le combat féroce qui oppose Washington et Pékin : les deux disposent des moyens de faire (très) mal à l'adversaire. D'ailleurs, la Chine a annoncé porter ses droits de douane additionnels de 84% à 125% sur les biens US à compter de samedi.
Mais n'est-ce pas la Chine -c'est juste une question que se posent les observateurs- qui mettrait la pression sur les T-Bonds, et par voie de conséquence sur un dollar qui dévisse de -5% en 48 heures face à l'euro... tandis que le yuan est littéralement arrimé au dollar (à la baisse) et cède 5% face à l'euro, et -6% face au franc suisse.
Le vent d'incertitude qui souffle sur les marchés du fait de la guerre commerciale alimente beaucoup d'inquiétudes autour de l'économie mondiale, et les marchés pourraient être emportés dans la tourmente. Un communiqué commun de Washington et Pékin sur une forme d'armistice et de reprise d'un dialogue "constructif" pourrait faire retomber un peu la pression.
La nervosité n'épargne désormais plus aucun secteur, comme l'illustre la tension déjà évoqué sur le "10 ans" : il a flirté avec 4,60% (+20 pbs), avant de se détendre un peu vers 4,49% (+10 pbs), le "30 ans" affichait +13 pbs à 4,973% (au plus haut depuis fin octobre 2023) avant de se calmer un peu vers 4,88%.
Sur le front des statistiques, les ferments d'une récession se mettent en place : le moral des ménages américains s'est dégradé de -6,2 points vers 50,8 en avril, c'est le quatrième mois consécutif de dégradation, selon l'enquête mensuelle de l'Université du Michigan.
Par ailleurs, le Département du Travail a fait savoir que les prix à la production aux Etats-Unis ont diminué de 0,4% en mars par rapport au mois précédent, mais augmenté de 0,1% en excluant l'alimentation, l'énergie et les services commerciaux.
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