(Easybourse.
com) Vous applaudissez l'adoption de l'amendement 266, du sous amendement 290, ainsi que de l'amendement 265, tous relatifs à l'ISF, dans le projet de Loi de Finances pour 2008. Pour quelles raisons ?
Ces amendements et sous-amendement, qui élargissent l'investissement « ISF » aux fonds spécialisés FCPI et FCPR, vont permettre aux PME, notamment les PME innovantes, de bénéficier de sources de financements et de montants plus importants et aux contribuables d'investir en mutualisant leur risque dans de nombreuses PME.
Je vous rappelle le contexte. Depuis quelques mois, une réduction d'ISF favorisait l'investissement direct dans les PME (50 000 euros de réduction pour 75 000 euros d'investissement). Cependant, l'intermédiation de tels investissements par des fonds spécialisés, tels que les FCPI et les FCPR, était impossible. Désormais, les amendements adoptés dans le projet de Loi de Finance 2008 permettent l'investissement par l'intermédiaire des fonds spécialisés FCPI et FCPR, notamment dans les PME innovantes.
Ces fonds sont, en effet, les principaux vecteurs de financement en capital des PME innovantes (qu'ils financent à hauteur de 80%) et possèdent l'infrastructure et l'expertise nécessaires pour le choix et le suivi proactif des investissements effectués. Nos PME innovantes doivent, en effet, souvent procéder à des augmentations de capital de plusieurs dizaines de millions d'euros et seuls les fonds de capital risque spécialisés peuvent conduire ces financements, alors que les business angels ne peuvent que participer aux toutes premières étapes.
Depuis plusieurs mois, France Biotech avait demandé d'élargir la réduction d'ISF aux fonds spécialisés, ainsi que d'augmenter le plafond de 50 000 euros de réduction à 100 000 ou 200 000 euros (se rapprochant ainsi du type d'incitation fiscale en vigueur au Royaume Uni). En parallèle, nous avions demandé de négocier avec la Commission Européenne l'exemption de la règle de minimis, qui bridait toute augmentation de capital bénéficiant de la réduction d'ISF à un montant dérisoire de 200 000 euros par entreprise.
En quoi consistent ces amendements ?
Ces amendements et sous-amendements ont été proposés par les députés Jean-Michel Fourgous et Charles de Courson et soutenus par le gouvernement
L'amendement 266 a été accepté et élargit le dispositif dit d'intermédiation (loi TEPA du 2 août 2007 qui limitait aux particuliers et aux FIP la réduction d'ISF attachée aux investissements dans les entreprises).
Aujourd'hui, tout investissement fait directement dans une PME - définie comme ayant moins de 250 salariés et ayant un chiffre d'affaires inférieur à 50 millions d'euros - donne droit à une réduction d'ISF à hauteur de 75% dans la limite de 50 000 euros s'il est fait en direct par le contribuable.
Désormais, ces investissements pourront être faits par l'intermédiaire de fonds spécialisés régionaux (FIP) ou européens (FCPR et FCPI) avec une réduction de 25 000 euros. Ainsi, sur un plafond global de 50 000 euros de réduction d'ISF, la moitié de l'investissement pourra être réalisé en direct et l'autre moitié à travers des FCPR, FCPI ou FIP. La mutualisation du risque pour le contribuable et l'accès à des capitaux plus élevés pour les entreprises sont les avantages du nouveau dispositif.
L'amendement 266 est sous amendé par le sous-amendement 290, soutenu par M. le député Charles de Courson. Il prévoit la sortie du de minimis -c'est-à-dire que le plafonnement (à 200 000 euros par entreprise sur 3 ans) lié à la réduction de l'ISF pour les investissements réalisés dans une PME, sera augmenté dans la limite d'1,5 million d'euros par période de 12 mois par PME (le plafond sera fixé par décret et après validation du dispositif par la Commission Européenne).
Enfin, l'amendement 265, soutenu par M. Fourgous, a été accepté et accorde un délai d'un an, au lieu de trois mois aujourd'hui, à une holding pour réinvestir dans une PME les sommes reçues au titre de la réduction d'ISF.
Selon vous, ces amendements vont-ils booster l'investissement dans les PME innovantes ?
Ces amendements et sous-amendements vont directement bénéficier au meilleur financement de nos jeunes Entreprises Innovantes.
Maintenant, concernant le Crédit d'impôt recherche (CIR) nouvelle formule… Pensez-vous qu'il va permettre de favoriser les PME à fort potentiel de croissance ? Quels amendements attendez-vous ? Pourquoi ? Avez-vous bon espoir ? Qu'est-ce qui diffère du CIR, ancienne formule ?
Le projet du nouveau CIR, dans le PLF 2008, va pénaliser des centaines, voire des milliers de PME innovantes. Les amendements critiques qui avaient été proposés par France Biotech et soutenus par de nombreux députés et sénateurs pour que le CIR, nouvelle formule, ne baisse pas et n'affecte pas de très nombreuses PME innovantes - notamment les plus jeunes - alors que plusieurs milliards d'Euros vont bénéficier aux grandes et très grandes entreprises, sans effet de levier majeur sur un accroissement de la recherche privée française, ont été refusés:
Ces amendements nécessaires au PLF 2008 ont été rejetés au sénat par le gouvernement :
• Accroître le taux à 60% des dépenses de recherche pour les PME de moins de 5 ans (amélioration proposée par le Sénateur Adnot à l'amendement adopté à l'Assemblée de Daniel Garrigue, défendu par Olivier Dassault et Jean-Michel Fourgous) ;
• Réincorporer comme par le passé les prêts remboursables dans l'assiette du CIR (amendement proposé par le sénateur Adnot, -retiré-, et par Daniel Garrigue, défendu par Olivier Dassault et Jean-Michel Fourgous, rejeté à l'Assemblée) ;
• Conditionner le paiement du CIR au-delà de 60 millions d'euros à des collaborations nouvelles entre grandes entreprises et jeunes entreprises innovantes (amendement déposé au Sénat par Philippe Adnot - retiré-).
Au cours de la séance parlementaire du vendredi 16 novembre, l'amendement du député Garrigue, qui reprend partiellement la proposition de France Biotech, a été adopté avec un taux de CIR de 50% la première année, de 40% la deuxième année et de 30% à partir de la troisième année. Les deux amendements suivants proposés par France Biotech ont été malheureusement rejetés, c'est-à-dire la réintégration des avances remboursables dans les bases de calcul du CIR, ainsi qu'un amendement destiné à ce que pour les dépenses de R&D supérieures à 60 millions d'euros, le paiement du CIR soit égal au montant des collaborations engagées par les grandes entreprises avec des PME.
L'ancien système du CIR était 10% des dépenses de Recherche + 40% de l'accroissement annuel des dépenses de recherche, avec un plafond de 16 millions d'euros de dépenses. Il récompensait surtout les sociétés accroissant leurs dépenses et encourageait les PME.
Le nouveau dispositif est 30% des dépenses (sans nécessité d'accroissement annuel) jusqu'à une somme très importante de 100 millions d'euros de dépenses par entreprise et de 5% au-delà de 100 millions d'euros, sans plafond. De plus, les prêts remboursables d'Oseo et des pôles de compétitivité sont désormais exclus de l'assiette.
Le résultat du changement (sans consultation préalable des services compétents du ministère de la Recherche, du ministère de l'Industrie, ni des PME) :
• Les jeunes PME sont très souvent pénalisées (30% de l'assiette étant souvent moindre que 10% de l'assiette + 40% de l'accroissement) ;
• Toutes les PME recevant des prêts remboursables Oseo ou autres (qui sont pourtant des dettes) sont très pénalisées par rapport à la situation antérieure, avec un CIR qui passe souvent à zéro ;
• Les grands groupes (Sanofi Aventis, Areva, EADS, France Telecom, GDF, Thales, Dassault, Alcatel, EDF…) sont les grands bénéficiaires de cet énorme cadeau fiscal, avec une baisse déguisée de l'impôt sur les sociétés.
Il s'agit d'une politique industrielle et de la recherche mal pensée et très coûteuse. Tous les patrons de R&D savent, et le rapport Masson au gouvernement de 2002 l'indique, que les facteurs de localisation de centres de recherche de grandes entreprises dans un pays donné sont le dynamisme et l'excellence locale de la recherche universitaire. Les centres de R&D privés ne s'achètent pas avec des incitations fiscales.
J'ai malgré tout bon espoir : le Premier ministre m'a dit hier qu'il allait regarder ce problème personnellement, puisque son objectif « d'inclure toutes les dépenses de R&D n'est pas atteint » avec le problème des avances remboursables exclues de l'assiette des dépenses de recherche.
Un mot maintenant sur le marché actuel des biotechs… L'engouement pour le secteur biotechnologie est tel aujourd'hui que certains analystes estiment qu'il y aura dans le futur un rally sur ces valeurs (compte tenu des fondamentaux, de la valorisation, de la très bonne tenue de la R&D et d'un mieux attendu dans le secteur de la santé). En témoigne aussi que, toujours selon certains analystes, même en période de subprime, les valeurs biotechs ne sont plus les premières lignes soldées. Est-ce aussi votre avis ?
A l'occasion de ses 10 ans, France Biotech a publié, fin octobre 2007, son « panorama 2007 », élaboré notamment à partir d'un questionnaire adressé à plus de 420 entreprises françaises du secteur. Ce rapport souligne l'éclosion de ce secteur en France, notamment au plan boursier. 2007 s'annonce comme une année record en termes d'investissement dans les sciences de la vie, avec 625 millions d'euros investis au 15 septembre 2007, dont 489 millions d'euros levés par les entreprises sur les marchés boursiers et 126 millions d'euros levés auprès des investisseurs en capital-risque .
Les entrées en bourse de BioAlliance Pharma et d'ExonHit en 2005 ont relancé l'appétit des marchés boursiers pour ce type d'investissement et les introductions se sont succédées en 2006 et 2007 sur la place financière parisienne. L'industrie française a fait un bond en passant de quatre sociétés cotées début 2005 à treize sociétés cotées aujourd'hui. A cela s'ajoutent des offres secondaires par les entreprises les plus « anciennes » du secteur, comme Transgène, et Eurofins.
Si ces introductions en bourse ne concernent qu'une petite partie des sociétés françaises, elles concernent les fleurons de l'industrie et relancent l'intérêt des sociétés de capital-risque pour l'ensemble du secteur.
La France s'est engagée dans la bonne direction avec le statut de Jeune Entreprise Innovante (JEI). Ce statut, inventé en France à notre initiative et qui bénéficie déjà à 1700 sociétés high tech et à leurs investisseurs (dont 20% de biotech), fait des émules en Europe : la Belgique a été le deuxième pays à adopter des incitations fiscales de type JEI en juillet 2006 et sera bientôt suivie par la Scandinavie, l'Espagne, etc. Le concept a maintenant été intégré par la Commission Européenne dans le régime des aides d'Etat à la recherche et à l'innovation (janvier 2007).
Les années 2005-2006 ont vu de nombreuses réformes fiscales mises en place, ce qui témoigne incontestablement de l'intérêt croissant des pouvoirs publics pour le rôle du Capital Investissement dans le financement des entreprises : France Investissement, nouveau dispositif pour le financement en fonds propres des PME a démarré rapidement après l'annonce faite par Jacques Chirac et sur des bases ambitieuses. La Caisse des Dépôts double en effet ses engagements (300 M€ par an sur 6 ans). Le dispositif, dans lequel CDC Entreprises joue un rôle pivot et qui associe sur l'un des axes des investisseurs privés, devrait permettre d'injecter 3 milliards d'euros en 6 ans dans le financement des PME innovantes et de croissance.
Si la situation actuelle de l'industrie des biotechnologies et des PME de hautes technologies s'est notablement améliorée depuis quelques années en France, grâce à une série de réformes clefs dont plusieurs étaient inspirées ou soutenues par France Biotech - statut de Jeune Entreprise Innovante, améliorations du Crédit d'Impôt Recherche, réforme des FCPI, création de France Investissement, création de l'Agence Nationale de la Recherche, des Fondations de Recherche et des Pôles de compétitivité -, notre retard sur nos voisins britanniques, allemands et scandinaves reste important, et l'Europe est loin de rattraper les Etats-Unis.
Il faut compléter les mesures existantes pour permettre à la France de revenir au niveau des pays les plus dynamiques, avec la mise en place de réformes structurantes tant au niveau de l'environnement des affaires (financement/relais boursier), que de la recherche publique :
• Mobiliser l'épargne des Français vers les PME innovantes
Les assureurs n'ont respecté ni la lettre ni l'esprit de l'engagement qu'ils avaient pris auprès de Nicolas Sarkozy, alors Ministre de l'Economie et des Finances, le 7 septembre 2004 : les investissements réalisés ne représentent à fin 2006 que 1% du total des actifs gérés. Si l'objectif de 2%, promis en 2004, devait réellement être atteint, il nécessiterait 12 milliards d'euros d'efforts supplémentaires.
L'assurance-vie représente une épargne à long terme dont les montants sont colossaux, 1400 milliards d'euros soit plus de trois fois le budget total de la France, mais qui participe cinq à dix fois moins à l'innovation et à la croissance que dans les pays plus dynamiques. En contrepartie des avantages fiscaux offerts à l'assurance-vie, il faut instituer dans la loi de Finances des seuils minimums obligatoires d'investissement dans les PME innovantes françaises (3% à 5% en 3 à 5 ans) tout en définissant clairement tant la cible que les véhicules intermédiaires d'investissement, pour assurer que les montants prévus seront effectivement investis dans les entreprises visées.
• Repositionner l'Agence de l'Innovation Industrielle sur les PME innovantes (ce qui a été fait)
• Créer, dans la loi de Finance, le statut de la Jeune Entreprise Innovante Cotée (pour une orientation ciblée des investissements privés vers les PME innovantes)
Le statut JEIC avait été proposé en juillet 2005 par M. Nicolas Sarkozy et avait reçu le soutien de M. Jean-Louis Borloo lors de son intervention devant l'Assemblée Générale de 2005 de France Biotech, mais qui n'a pu aboutir sous le précédent gouvernement.
Pour rappel, le statut JEIC est un statut réservé aux PME françaises selon la définition européenne, applicable entre la date de cotation et 8 ans après leur introduction en bourse sur un marché encadré ou réglementé européen et qui auraient des dépenses de recherche et développement de plus de 10% des dépenses annuelles.
Le marché boursier joue dans le monde un rôle moteur pour le financement, la croissance et l'internationalisation des entreprises à fort potentiel. Alors que le capital-risque peut financer les premières années de la vie d'une PME, les PME à fort potentiel de croissance doivent ensuite soit renoncer à l'innovation ou à la croissance rapide, soit être vendues, souvent à des groupes étrangers, soit lever des fonds importants en bourse. Le dynamisme boursier est de plus indispensable aux sorties financières des fonds de capital-risque, à leur rentabilité et à leur pérennité.
• Quatre actions conjointes pour aboutir à une recherche française dynamique et excellente :
- faire de l'agence nationale de la recherche (ANR) le puissant vecteur d'évaluation et de financement sur projets de la recherche scientifique. L'ANR doit devenir une grande agence de moyens indépendante pour laquelle l'Etat se contente de définir les grandes orientations scientifiques, s'assure de la bonne gouvernance au standard international, définit le budget, évalue l'impact sur les index d'excellence des organismes et des universités.
- Donner aux directeurs d'organismes de recherche et aux présidents d'universités un véritable pouvoir de décision (réforme de l'université). Ils doivent acquérir un vrai pouvoir de management (recrutements, rémunérations et carrières, licenciements, politique de recherche, relations industrielles, formation-enseignement, relations internationales...) et être appuyé par un conseil d'administration international, compétent, indépendant, respecté.
- Ouvrir la grille de rémunération et d'intéressement des chercheurs. En ouvrant les grilles de rémunération et en offrant des alternatives au statut de fonctionnaire, avec un choix volontaire entre fonction publique statutaire et contrat de droit privé (fondation) au-dessus d'un seuil de 2 fois la rémunération de fonctionnaire, notre recherche vivrait mieux.
- Financer deux ou trois grands campus transdisciplinaires à vocation internationale. Pendant que les organismes et les universités se réforment, ce qui sera lent, il est urgent de faire à Paris et à Grenoble deux grands campus très attractifs pour les meilleurs chercheurs et les meilleurs étudiants du monde entier, tout en favorisant recherche fondamentale, la transdisciplinarité et les ruptures technologiques.
Cela dit, comment expliquez-vous la chute des valeurs biotechs françaises depuis trois mois ? La chute de la « locomotive » Nicox ne plombe-t-elle pas les autres valeurs ?
La crainte d'un ralentissement de l'économie américaine liée à la crise des prêts immobiliers à risque a pénalisé les places financières dans leur ensemble, y compris le marché français. Les valeurs les plus risquées sont les plus exposées et les biotech françaises appartiennent à cette catégorie.
En revanche, les fondamentaux de ces entreprises sont bien là et ne sont pas remis en cause par des problèmes inhérents à ces sociétés. Et de toute manière, à l'approche de la fin d'année, les investisseurs prennent leurs bénéfices car leurs performances sont fixées sur 12 mois.
Il y a toujours eu des cycles en biotech comme en small cap en général, et nous sommes en présence d'une « buying opportunity ».
Que pensez-vous du rachat de la société biotechnologie américaine MGI Pharma par le groupe pharmaceutique japonais Eisai ?
C'est un bon exemple de la viabilité internationale et globale de notre industrie.
Plus globalement, les big pharmaceutiques n'ont-elles pas vocation à multiplier les deals avec les sociétés de biotechs ?
Les pharma, avec en dernier lieu Sanofi-Aventis, reconnaissent la capacité d'innovation des biotech (découvertes de nouvelles technologies et nouvelles molécules), qu'ils n'ont pas en interne et on voit les accords pharma/biotech se multiplier et les montants des transactions augmenter.
Malheureusement, ces collaborations ne se font pas aussi en amont que dans d'autres pays comme les Etats-Unis, où l'infrastructure (campus avec labo de recherche, universités, société de biotechnologies et pharma sur place, ce qui permet une collaboration plus en amont et des deals précoces).
Propos recueillis par Marjorie Encelot
- 14 Décembre 2007 - Copyright © 2006 www.easybourse.com