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Maxime Alimi, Responsable de la stratégie d'investissement de Axa Investment Managers

le 14/06/2017 15:35:00

La volatilité des marchés est particulièrement faible en ce moment. Comment l'expliquez-vous ?

Nous avons assisté depuis le début de l'année à une baisse des risques à court et moyen terme.
En début d'année, deux menaces importantes avaient été intégrées par les marchés. Une première menace au niveau européen avec la perspective de plusieurs élections phares dans de grands pays comme les Pays-Bas ou encore la France. Une seconde menace au niveau des Etats-Unis avec l'éventualité de voir la conduite d'une politique commerciale et d'une politique étrangère défavorables à l'économie mondiale à la suite de la désignation de Donald Trump comme nouveau président fin 2016.

D'une certaine manière, ces deux gros nuages se sont dissipés. S'en est suivi une contraction de la prime de risque et de la volatilité implicite.

Nous avons par ailleurs pu observer une nette amélioration des indicateurs macroéconomiques en dehors des Etats-Unis, où la croissance s'est avérée quelque peu décevante. Que ce soit en Europe, au Japon, en Chine ou dans d'autres importants pays émergents, nous avons même eu certaines bonnes surprises qui ont été de nature à diminuer davantage la prime de risque et à faire monter les prix des actifs risqués.

Au-delà de tout ça, nous avons été confrontés à une atonie de l'inflation notamment sous l'impulsion du fléchissement des prix des matières premières. Même l'inflation core est restée ténue, ce qui a incité à la persistance d'une politique accommodante des grandes banques centrales et maintenu à un niveau très bas les taux d'intérêt.

Vous diriez qu'il y a comme une sorte de dichotomie entre le marché de taux et le marché des actions...
Effectivement. D'un côté, nous avons un marché de taux qui retient le scénario d'une croissance correcte mais avec peu d'inflation. De l'autre côté, nous avons un marché actions qui se focalise sur une progression des bénéfices dans un contexte porteur pour une hausse des ventes et une extension des marges.

Pourrait-on parler de complaisance de la part du marché pour autant ?

Je ne pense pas que cela soit le cas. Nous sommes sur des niveaux de valorisation élevés mais qui sont justifiés à la fois par des bons fondamentaux macroéconomiques et microéconomiques. En outre, la valorisation du prix des actifs est encore largement déterminée par la bassesse des taux d'intérêt.

La question clé est selon vous celle de la sortie de ce régime de forte valorisation des actifs risqués ?

Cette question clé est liée à l'amorce de normalisation des politiques monétaires des banques centrales, en particulier de la Fed et de la BCE. Seul un violent retour à des normes historiques au niveau des taux d'intérêt pourrait venir injustifier la cherté des actifs risqués aujourd'hui et conduire à une mise à mal du marché.
Pour l'heure, nous observons plutôt une remontée très graduelle des taux. Ce faisant nous devrions rester avec des valorisations élevées encore un certain temps.

A quels scénarii de base vous attendez-vous s'agissant de la Fed et de la BCE ?

La Fed devrait remonter ses taux cette semaine. Elle devrait procéder à une nouvelle hausse de taux en septembre et annoncer une réduction partielle des investissements des coupons des obligations détenus dans son bilan en décembre. Ce deuxième volet de normalisation devrait être activé début 2018. Ces deux donnes ne sont à priori pas encore pricées par les marchés si l'on fait l'analyse du segment des taux courts et des taux longs.

Au-delà du changement de sémantique opéré dans son communiqué officiel la semaine dernière au sujet des taux directeurs, la BCE devrait faire état d'une première réduction de son programme d'achat à partir de janvier 2018 à hauteur de 40 milliards d'euros par mois puis d'une deuxième diminution à compter de juin 2018 à hauteur de 20 milliards d'euros par mois. L'extinction du programme d'achat devrait être actée pour fin 2018. Une remontée des taux devrait prendre le relai uniquement début 2019. Ce séquençage est plutôt en ligne avec ce qu'attend le marché.

A quels niveaux devraient se situer les taux longs de référence en fin d'année ?
Le taux à dix ans américain pourrait terminer l'année entre 2,75% et 3%. Le taux à dix ans allemand devrait se situer autour de 0,70 points de base.

Par conséquent, quelle suite des évènements escomptez-vous pour les actifs risqués d'ici fin d'année ?

Si nos scénarii de base sur les banques centrales se réalisent, les actifs risqués pourraient continuer à performer correctement. Clairement, pour ce qui est des actions, les prévisions avancées s'agissant de la progression des bénéfices nous paraissent réalistes.

Dans la zone euro, l'estimation dépasse les 20%...

Cela parait concrétisable compte tenu de l'état de la conjoncture et des chiffres publiés à l'issue du premier trimestre. Une partie de cette estimation est déjà intégrée dans les prix si l'on considère la performance de l'Eurostoxx 50 d'environ 9% et le fait que l'on pourrait avoir une contraction des multiples sur fond d'une hausse des taux d'ici la fin de l'année. Les rendements devraient avoisiner les 5% en Europe sur le second semestre.

Qu'en est-il des actifs français ?

Suite aux résultats des élections législatives, nous avons eu une réaction sur le marché des taux. Le spread entre le taux dix ans français et le taux dix ans allemand est revenu en deçà de 40 points de base, ce que nous n'avions pas vu depuis longtemps. Une majorité d'investisseurs semblent croire à la capacité du nouveau gouvernement français à implémenter des réformes à même de changer la dynamique de risque sur le souverain français.

A mon sens, deux évènements singuliers devraient influer à court terme le risque français sur le marché. En premier lieu, les mesures prises sur le front de l'emploi. Si ces dernières sont perçues comme crédibles, et suffisantes pour faire reculer le chômage, les actifs français devraient en bénéficier. Une visibilité sur ce sujet devrait être rendue possible d'ici septembre.

Le second dossier épineux concerne les avancées aux niveau européen. Si un véritable souffle est donné par l'axe franco-allemand sur le plan de la défense ou encore celui de l'intégration économique et budgétaire, l'appétit des investisseurs pour les titres français devrait s'en trouver renforcé. Le souverain français ne devrait plus être traité comme du souverain périphérique mais du souverain coeur à l'instar du souverain allemand ou du souverain néerlandais.

Le marché des actions américain constitue-t-il à ce jour un élément de risque ?
C'est un risque. Il y avait clairement des anticipations fortes de la part du marché en termes de mesures de stimulus budgétaire et de dérégulation favorables aux entreprises américaines en début d'année qui ont dû être révisées à la baisse. Ceci étant, l'ajustement consécutif à la déception du marché s'est déjà grandement opéré. Si l'on se fie au parcours des financières américaines, on s'aperçoit que beaucoup de l'optimisme du début d'année a disparu.

A présent, nous pourrions avoir davantage de déceptions. Mais je ne pense pas qu'elles suffiront à enclencher un krach sur le marché. Ce d'autant plus que la hausse des bénéfices des entreprises américaines devrait être au rendez-vous et que nous ne devrions pas avoir un emballement des taux qui pousse à une contraction substantielle des multiples.
Ainsi si nous pouvons avoir un marché des actions américain stable voire légèrement baissier d'ici la fin de l'année, nous ne devrions pas faire face à une correction de plus de 10%.

Quelles principales zones d'ombre identifiez-vous aujourd'hui qui seraient susceptibles de mettre à mal le marché d'ici la fin de l'année ?

Nous pouvons mentionner trois risques systémiques qui pourraient avoir des répercussions étendues néfastes. En premier lieu, l'Italie. C'est un important pays de la zone euro, qui n'est pas sauvable par les mécanismes en place. Le scénario négatif serait celui où l'on aurait des élections qui portent au pouvoir un parti ou une coalition de partis eurosceptiques. Nous pourrions faire face un épisode analogue à celui de la Grèce en 2015 avec un chantage à la sortie de l'euro pour ne pas payer ou ne pas implémenter les réformes demandées. Ce scénario est plausible dès lors qu'y a en Italie plusieurs partis anti-européens qui font de bons scores dans les sondages tels que le mouvement cinq étoiles et la ligue du nord.

Un deuxième point d'inquiétude concerne l'évolution de la conjoncture américaine. Si la trajectoire de croissance reste molle jusqu'à la fin de l'année, avec l'aboutissement d'une hausse du PIB de moins de 1%, et une inflation amorphe, cela pourrait remettre en cause la politique de la Fed, l'accroissement des profits et la qualité de crédit des entreprises.

Un troisième écueil dans l'esprit des investisseurs est relatif à la santé de la Chine. Est craint une perte de contrôle des autorités chinoises sur la régulation, la croissance économique, les flux de capitaux. Ce n'est pas du tout ce que nous observons à court terme. Au contraire, Pékin a décidé de reprendre la main en serrant la vis au niveau économique et monétaire tout en maintenant une cible de hausse du PIB autour de 6,5%. La marge reste large pour assouplir les conditions financières et apporter le soutien nécessaire dans le cas où le ralentissement s'avérait trop prononcé.

La variation du cours du baril de pétrole constitue-t-elle une possible source de perturbations ?

Nous avons assisté à une vive correction du marché du pétrole entre fin 2014 et début 2016. Si cela a créé un choc significatif, cela n'a pas suffi à faire tomber les Etats-Unis en récession. Ce faisant, je ne crois pas qu'une nouvelle chute du prix du baril serait de nature à profondément endommager l'économie américaine. Ce faisant, à coup sûr certains actifs de marché s'en trouveraient affectés mais pas la majorité.

Quels biais se distinguent aujourd'hui dans votre allocation d'actifs ?

Nous sommes surpondérés sur les actions. Nous privilégions sur ce segment deux zones : la zone euro et les marchés émergents.
Nous n'avons pas vraiment de paris différenciés dans la zone euro. Nous avions pendant un moment eu un biais positif sur la France considérant que le risque politique était excessivement pricé dans la perspective des élections présidentielles. Tel n'est plus le cas.
Nous avons une préférence pour l'Asie dans les émergents.

Pour boucler la boucle, vous auriez un dernier mot au sujet de la volatilité ?

Présentement, nous avons des positions longues sur la volatilité à un horizon de moyen terme. Même si nous n'entrevoyons pas de risques majeurs sur le marché, il est plausible que nous assistions à une hausse de cette volatilité au cours des prochains mois.

2017-06-13 10:59:07 - Copyright © 2006 http://www.easybourse.com

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