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David Benamou, Associé gérant de Axiom Alternative Investments

le 21/04/2017 16:01:00

Le cadre réglementaire qui régit le secteur bancaire européen est en plein réaménagement, à la fois sur le plan international et sur le front européen. Pourriez-vous nous rappeler où nous en sommes ?

Sur le plan international, l'adoption du dernier volet de l'accord de Bâle 3 (souvent appelé Bale 4) initialement fixée le 8 janvier 2017 a été repoussée sine die. Récemment le représentant de la Bundesbank, Andreas Dombret, qui négocie auprès du comité de Bale s'est montré positif à l'idée de trouver un accord prochainement. Cependant, on ne devrait rien voir arriver a priori tant que les Américains n'auront pas réglé leur querelle interne à propos de qui a mandat pour participer aux négociations, un membre de la Fed ou un membre de l'administration Trump.


En quoi consiste la principale avancée de ce dernier volet de l'accord de Bâle 3 ?

Ce dernier volet de l'accord de Bale vise globalement à imposer aux banques une approche encore plus conservatrice de l'utilisation de leur capital. Sur ce point, il existe une différence fondamentale entre les Etats-Unis et l'Europe.
D'un côté, les banques américaines fonctionnent, pour leur majorité, selon l'approche standard. Dit autrement, la quantité de capital requise pour un financement dépendra d'une échelle de notes de crédits fixée forfaitairement par la réglementation. De l'autre côté, les banques européennes utilisent en majorité la méthode dite avancée, qui repose sur l'utilisation de modèles internes, justifiée par une bonne connaissance de l'emprunteur.


L'enjeu pour le comité de Bâle a été de limiter les distorsions entre ces deux approches en proposant la création d'un " output floor ", un seuil d'économie de capital en deçà duquel les modèles internes ne peuvent pas tomber. Une première barrière a été fixée à 75%.
Deux pays européens ont rapidement montré une farouche hostilité à cette limitation car les modèles internes employés par leurs banques permettent des économies de capital très significatives : l'Allemagne et la Suède.



L'opposition de la Suède a été d'une moindre intensité que celle de l'Allemagne ?

Effectivement. En Allemagne, les actifs aux bilans des banques consomment en moyenne deux fois moins de capital qu'aux Etats-Unis. L'imposition de cette limite augmenterait mécaniquement les besoins en fonds propres et se traduirait par la réalisation d'opérations d'augmentation de capital. En Suède, le régulateur local a pris de l'avance en exigeant des banques suédoises un renforcement de leur Pilier 2 (second pilier de capital dont le quantum est déterminé selon les particularités individuelles de chaque banque).

Comment expliquer le revirement allemand sur ce sujet ?

Très probablement par le fait que l'Allemagne a obtenu ce qu'elle voulait : un seuil plus bas et une période de transition réglementaire très longue. D'aucuns parlent d'un " output floor " de 75% mais à un horizon 2025.

Quand peut-on espérer avoir cet accord final ?

Je pense, à l'automne, en septembre-octobre.

Au niveau européen, nous avons eu deux projets de texte importants qui prévoient des mesures positives pour le secteur bancaire ?

Ces deux textes sont une nouvelle directive, CRD5 et un nouveau règlement CRR2.
Ces textes envisagent des mesures de nature à faciliter l'achat des nouvelles obligations Bale 3 (les additionnal tier 1) par les investisseurs. Le régulateur a notamment décidé de réduire le risque de paiement de coupon associé à ces titres. Une règle de priorité de paiement a été établie sur les bonus des salariés, et les dividendes en se basant sur le fait que ces titres avaient théoriquement un rang de créance supérieur.
Les exigences de capital réglementaires nécessaires pour pouvoir payer coupons et dividendes ont, en outre, été revues à la baisse. Ainsi pour une banque comme BNP, le ratio requis est passé de 10% à 8,7%.

Pourquoi une telle démarche de la part du régulateur de rendre ces instruments plus accessibles ?

Pour permettre au marché sous-jacent de se développer à grands pas. Ces instruments sont destinés à remplacer l'ancienne classe d'actifs à horizon 2022.

Dans le sens de plus de flexibilité réglementaire, le régulateur a aussi fait le choix de modifier la consistance du pilier 2 ?

Jusque-là ce dernier pilier était constitué à 100% de capital dur. Il a été décidé que la composition du pilier 2 sera miroir de celle du pilier 1, qui pour rappelle associe 4,5% de Tier1, 1,5% d'additionnal Tier 1 et 2% de Tier 2.
Cet ajustement est à la fois favorable aux titres hybrides et aux actionnaires ?
Les banques devraient se retrouver avec une quantité de capital en excès qui pourra servir soit à combler les nouvelles exigences baloises, soit à augmenter la distribution de dividendes ou encore permettre des opérations d'acquisitions.

D'autres dispositions ont été prévues dans ces textes européens pour mieux gérer la relation entre la banque et le régulateur...

Ces dispositions viennent réduire la discrétion du régulateur. Nous avons pu observer au cours de l'année 2016 des critiques ou des désaccords sur les modalités ou encore les exigences en capital. Plus récemment une nouvelle illustration en est donnée par l'épisode du sauvetage de Monte Paschi. La Banque d'Italie (le régulateur Italien) a contesté officiellement les estimations de besoin capital estimée par la BCE pour Monte Paschi.
Les nouveaux textes européens prévoient que le régulateur devra se justifier auprès de la banque lorsqu'il fixera ses exigences de pilier 2. Les banques seront moins incertaines sur la position adoptée, et pourront la discuter et la contester.


Les différents aménagements apportés par ces textes européens sont, selon vous, très peu susceptibles de changer ?
Les grandes lignes sont arrêtées. Nous sommes entrés dans le trilogue, autrement dit les discussions entre Commission, Parlement, et Conseil. Vraisemblablement, ces textes seront adoptés d'ici l'automne.

Il transpire de ces nouveaux textes une inclination des autorités européennes à réduire la surréglementation qui a découlé de la survenance de la crise de 2008 et des sauvetages massifs d'institutions d'envergure entrepris dans certains pays...

Absolument. La volonté affichée par Donald Trump aux Etats-Unis de déréguler le secteur bancaire n'est certainement pas sans influence sur cette nouvelle tendance.
Il y a des zones de désavantage compétitifs très claires des banques européennes par rapport aux banques américaines en particulier dans les activités de banque d'investissement. Ces dernières ne cessent de gagner des parts de marchés au détriment des premières, en grande partie du fait de la différence existantes au niveau des contraintes réglementaires.
Certaines annonces faites par Donald Trump dans le cadre de son programme électoral, vont dans le sens d'un creusement du gap qui s'est créé, notamment le " choice Act ", autrement dit la possibilité pour certaines banques d'opter pour un ratio de levier à la place de l'accord de Bâle.


L'octroi de cette marge de manoeuvre supplémentaire aux banques européennes ne se fait-elle pas au détriment de l'impératif de sécurité ?

Non on ne peut pas parler d'un détricotage de la réglementation. On est davantage dans un retour de balancier. La violence de la crise de 2008, l'état de choc de l'opinion publique, a conduit les dirigeants politiques à des réactions excessives qui ont abouti à une surréglementation du secteur.
Si l'on regarde les fonds propres des banques qui composent l'indice SX7P (Stoxx Europe 600 banks) qui comprend les banques de la zone euro, ainsi que les banques nordiques, britanniques, et suisses, le ratio de Tier 1 moyen s'est élevé à 15%. Il était à 7% en 2007.

Au-delà de la composition, le calcul a été substantiellement endurci. Le calcul des risques moyens pondérés aujourd'hui est bien plus exigeant qu'il y a dix ans. Nous sommes dans un tout autre référentiel. Ainsi Deutsche Bank en 2007 affichait 7% de fonds propres. Si on se base sur les règles de calcul d'aujourd'hui, on arriverait à 2% de fonds propres.

2017-04-12 08:39:35 - Copyright © 2006 http://www.easybourse.com

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